Projet réalisé en partenariat avec le CNA-CEFAG, l’Espace Sorano.
Ce projet a reçu le soutien de Orange France
Proverbe français : « Celui qui vient d’un pays lointain peut, sans craindre d’être démenti, raconter des choses fausses. » Petit Larousse
Tous les participants au spectacle sont nés dans un autre pays, une autre culture, une autre langue. Ils viennent d’arriver sur le sol français.
Toi qui as voyagé, raconte-nous : Ailleurs, c’est comment ? Ailleurs c’est quoi ?
Le premier proverbe de la langue française raconte que celui qui revient de loin peut raconter ce qu’il veut de son voyage. Personne ne pourra contredire ce qu’il raconte.
Entre imaginaire collectif, anecdotes décalées et témoignages ce spectacle raconte, par touches, les décalages, les bribes de parcours de ces jeunes venus d’Égypte, de Turquie, d’Inde, de Chine, du Bangladesh, d’Algérie, du Cambodge et du Maroc.
“Un voyage de 1000 kilomètres commence toujours par un premier pas”.


Contexte
Les participants sont 14 jeunes entre 17 et 24 ans qui viennent d’arriver en France. Ils ont suivi une première formation sur « plate-forme linguistique ». Dans un second temps, ils viennent sur « plate-forme de mobilisation » au CNA-CEFAG pour s’orienter et préparer leur entrée en formation professionnelle ou sur le marché du travail. En formation professionnelle, ils suivront des cours de remise à niveau, préparation du projet professionnel, bilan de compétences, et des stages en entreprise.
Pour mettre en mouvement les stagiaires, dénouer mots et gestes, jouer des situations, donner confiance, ce type de formation fait de plus en plus fréquemment appel au théâtre.
Cette pratique théâtrale se limite souvent à quelques heures ou quelques jours d’exercices.
Il est également possible de réaliser des projets plus ambitieux, dont l’impact est plus fort sur les jeunes : préparer un spectacle joué devant d’autres jeunes et devant un public de formateurs, de travailleurs sociaux et de professionnels du spectacle.
Le travail théâtral emprunte à l’univers du conte, un langage poétique et imagé, qui permet à des personnes connaissant peu la langue française d’être créatifs.
Nous souhaitons les valoriser à travers l’utilisation créative de leurs tâtonnements et fautes de langue dans l’apprentissage du français.
Ceci passe par le déblocage de la parole grâce au théâtre et par la création de textes inspirés de souvenirs personnels pour une représentation théâtrale, en leur donnant l’occasion de prendre définitivement confiance dans leur capacité à communiquer.
Les jeunes étrangers non francophones arrivent en France après avoir traversé des frontières, parfois des océans. La plupart d’entre eux sont très désireux de découvrir et d’apprendre, ils sont prêts à s’intégrer dans leur pays d’accueil, si on leur propose des ouvertures.
En revanche, même après quelques semaines de cours linguistiques, ils commencent à comprendre les mots et expressions de la vie courante mais ils sont inhibés, sinon bloqués par leurs maladresses quand ils tentent de s’exprimer en français.
L’originalité, le caractère novateur de ce projet résident dans son choix d’attaquer cette difficulté en la “retournant” :
Ne pas confronter les stagiaires d’abord aux mots, mais les mettre en mouvement, en jeu, en communication non verbale comme verbale, les mettre en confiance par une formation théâtrale pour que l’attitude, le mouvement, le geste soient, comme toute notre expérience nous le montre, moteurs de parole.
Prendre leurs fautes de français comme des curiosités et parfois des trouvailles. Ne pas aborder leur langue et leur culture d’origine, comme des problèmes, des difficultés dont il convient qu’ils se débarrassent, mais comme des richesses qui les aideront à se faire comprendre, à communiquer et à apprendre le français :
- par l’invention de mots surprenants, drôles
- par la traduction d’expressions toutes faites qui deviennent poétiques en français
- par la transposition de récits et anecdotes en français, prenant un goût, une saveur toute particulière en français.
Extrait
Pendant un mois, je n’ai pas vu le ciel. Je ne pensais pas que j’allais rester aussi longtemps sans voir la lumière du jour.
Je ne pensais pas que la traversée serait aussi longue.
J’avais pris à manger pour 5 ou 6 jours.
Je pensais que ce serait suffisant
Ca tanguait.
Mais, lorsque mes provisions furent épuisées, je commençais à me demander ce que j’allais manger. Je cherchais partout dans la cale, rien, rien du tout.
Même pas un peu d’eau.
Alors, quand j’ai trouvé du riz, je l’ai avalé tout rond..
Plus tard, j’ai trouvé une porte. J’ai frappé longtemps, jour et nuit, jusqu’à ce que quelqu’un m’ouvre. Je priais pour que quelqu’un m’entende, je sentais que ma tête et mes forces m’abandonnaient.
Et tout à coup…
– Comment tu es rentré ici ?
– Water, give me water ! je ne connaissais que cette langue.
– Qu’est-ce que tu dis ? Je parle pas anglais, moi… Pierre ! Pierre !
– Oui, quoi ?
– Viens voir…
Et enfin, ils m’ont donné de l’eau et du fromage.
Quelques jours plus tard, nous sommes arrivés au Havre. Le Havre : havre de paix ne dit-on pas en français ?
– Surtout tu ne bouges pas. Tu restes là, dans cette cabine, si jamais quelqu’un te voyait, on aurait des problèmes ! !
Lorsqu’il est revenu, il m’a donné un billet de train pour Paris, et c’est là que j’ai compris que j’avais accosté en France. Il me restait 200$ en poche.
C’était le 11 novembre 1997,
C’est un jour férié chez vous, non ?

Pour plus d’informations :
Équipe artistique

Amélie Armao
Conception & Mise en scène
Assistant à la mise en scène et comédien : Sébastien COLLINET
Répétitrice : Justine MATTIOLI